Barbe Rouge - Marc Bourgne

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C'est Didier Christmann, mon éditeur chez Dargaud, qui m'a demandé en 1997 si je serais tenté par une reprise de Barbe-Rouge, la série créée par le scénariste Jean-Michel Charlier et le dessinateur Victor Hubinon en 1959. Les repreneurs de l'époque, Gaty et Ollivier, venaient d'être débarqués. J'ai toujours été un grand fan de Charlier, notamment de ses séries Blueberry, Buck Danny, Michel Tanguy et bien sûr Barbe-Rouge, le plus célèbre pirate de la BD (parodié dans Astérix).
De plus, Hubinon est certainement un des dessinateurs qui sont à l'origine de ma vocation: j'ai beaucoup appris de son sens du découpage. Etre choisi pour continuer les aventures de Barbe-Rouge, Eric, Triple-Patte et Baba était donc un honneur et un vrai plaisir... Même si les ventes de la série étaient tombées assez bas.
Cependant, avant d'accepter  la proposition de mon éditeur, j'ai demandé qui serait le scénariste. Ce sera Christian Perrissin, m'a-t-il été répondu, ce qui m'a satisfait: j'avais lu le premier tome de La jeunesse de Barbe-Rouge, une série qu'il venait de lancer avec brio et talent. J'ai demandé à le rencontrer pour lui expliquer ce qu'il fallait faire, à mon avis, pour relancer la série: retrouver l'esprit des premiers albums sans pour autant chercher à copier le style daté de Charlier et Hubinon, revenir au conflit qui oppose Eric, le fils adoptif de Barbe-Rouge, à son père, créer un personnage féminin fort... Christian était exactement sur la même longueur d'onde que moi!
    
Je suis assez fier du travail que nous avons accompli durant les années qui ont suivi. Christian est un formidable scénariste, comme il l'a confirmé par la suite avec El Niño, Martha Jane Cannary ou Les Munroe. De mon côté, j'ai sans doute signé avec notre troisième opus, Le secret d'Elisa Davis 1ère partie, celui de tous mes albums dont je suis le plus satisfait à ce jour. J'aime croire que nous avons réussi à redonner au "Démon des Caraïbes" un peu de son aura mythique... Et nous avons donné naissance à une belle héroïne: Elisa Davis alias Anny Read.
Pourquoi nous avons arrêté Barbe-Rouge
Christian Perrissin et moi nous entendions très bien et savions que notre travail satisfaisait les héritiers et ayants droit de Charlier et Hubinon, les créateurs de la série. Mais Christian était frustré du peu d'intérêt que Dargaud manifestait pour nos albums. Contrairement à ce qui lui avait été promis, rien n'avait été fait pour promouvoir réellement notre reprise (à part un petit dossier de presse accompagnant la sortie du Chemin de l'Inca). De mon côté, j'apportais mes planches dans l'indifférence, sentant bien que Barbe-Rouge et moi ne faisions pas le poids face à un Christophe Blain et à son Isaac le Pirate. Les ventes de la série nous paraissaient inférieures à ce qu'elles auraient pu être, au vu de celles d'une série "dérivée", L'épervier de Patrice Pellerin.
Finalement, Christian a décidé de parler  à notre éditeur de son désir de jeter l'éponge. Je venais de sortir, avec un certain succès, le premier Frank Lincoln chez Glénat. Je l'ai suivi.
Je me souviens que nous nous sommes retrouvés dans le bureau du regretté Guy Vidal, qui nous a reçus avec Philippe Ostermann. Christian et moi avons donc annoncé à nos deux éditeurs que nous nous interrogions sur l'avenir de Barbe Rouge et envisagions un abandon pur et simple de la série. En réalité, nous étions curieux de connaitre leur réaction. Or, ils nous ont dit qu'ils avaient précisément décidé de nous demander d'arrêter Barbe-Rouge. Selon eux, la poursuite de la série ne présentait plus qu'un intérêt très moyen, pour nous comme pour Dargaud: nous devrions plutôt leur proposer une nouvelle série. C’était clair : ils étaient soulagés. J'ajoute que Guy a admis ne pas avoir soutenu la série comme il l'aurait dû.
S'ils avaient énergiquement protesté à notre proposition, s'ils nous avaient promis de promouvoir un futur album, j'aurais continué Barbe-Rouge. Mais il est impossible de consacrer un an de sa vie à dessiner un album lorsque vous savez que le soutien de votre éditeur ne sera que minimal et sans enthousiasme.
Dargaud s'est désintéressé de nous. Christian et moi sommes partis ailleurs. Avec bonheur.
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