Rendons à César... L'initiateur de ce projet est Benoît Mouchart, le directeur de la BD chez Casterman. C'est non seulement lui qui a eu l'idée de raconter l'enfance d'Alix, ce personnage mythique créé par Jacques Martin en 1948, mais aussi lui qui a su convaincre le comité Martin, lui qui a mis en place toutes les grandes thématiques, lui qui m'a proposé d'écrire le scénario. C'est lui qui m'a dit qu'il faudrait dans l'histoire un loup ou un cauchemar, lui qui a insisté sur l'exactitude historique du récit et des dessins... Je connais Benoît depuis très longtemps, il était encore lycéen et nous habitions la même ville ! Je peux donc témoigner de sa passion de toujours pour la BD en général et pour les grands auteurs tels que Hergé, Greg... Il savait depuis longtemps que j'étais un grand fan d''Alix, d'où le fait qu'il ait pensé à moi pour ce projet.
Il y a tout de même une chose dont je suis à l'origine, c'est le choix du dessinateur. Benoît n'en avait pas encore trouvé un, et j'ai proposé Laurent Libessart, un véritable virtuose, capable de dessiner dans tous les styles (ce dont je suis incapable moi-même, d'ailleurs), mais aussi un passionné de l'Antiquité gauloise. Laurent aurait parfaitement pu « faire du Martin ». Mais l'idée de Benoît était de toucher le jeune public, à partir de dix ans, qui ne lit plus du tout Alix. De renouveler le lectorat, ce qui me paraît à moi aussi indispensable. D'où l'idée d'un style un peu « manga ». Lorsque le fils de Jacques Martin a vu les planches d'essai de Laurent, il s'est exclamé : « Voilà une BD que ma fille pourrait lire ! ». C'est ça l'idée. Ceci dit, j'insiste sur deux points. Le premier : Laurent est un pinailleur, un incroyable perfectionniste qui consulte des archéologues à propos du moindre détail, ce qui en fait un digne héritier de Jacques Martin. Le second : je vois Alix origines un peu comme une nouvelle série, une création dans son époque plus que comme un Alix « à la manière de ». Moi-même, dans l'écriture du scénario, je m'écarte des canons martiniens : pas de textes narratifs, des dialogues moins théâtraux. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée d'essayer de refaire à l'identique une BD qu'on a aimé, on fera toujours moins bien. Lorsque j'ai dessiné Barbe-Rouge et Michel Vaillant, je n'ai surtout pas copié les styles de Hubinon et Graton, deux dessinateurs très sous-estimés pour lesquels j'ai une profonde admiration. J'ai préféré m'approprier leurs personnages et les dessiner avec mon propre style. C'est ce que font les dessinateurs étasuniens de comics lorsqu'ils reprennent un super-héros.